Sunday 14 June 2009

Evaluation de stocks



Dans mon précédent et premier billet, j'ai fait allusion à mon travail ici depuis l'année dernière, du moins à la partie évaluation des stocks et au fait que j'y consacrerais un billet. Here we go.

Avertissement: Ce billet risque d'être un peu barbant pour les personnes qui se contrefichent de la science et de la conservation des ressources marines où qui savent déjà comment cela fonctionne.

Bon comme vous devez tous le savoir je travaille sur la morue, (là je suis en train de vous imaginer sourire avec des jeux de mots fusant dans vos têtes...), et notamment sur le stock du nord du golfe du Saint-Laurent (nGSL). Vous allez vous dire, putain, mais on s'en fout des poiscailles c'est juste bon dans une assiette. Le problème c'est qu'au rythme actuel il n'y aura bientôt plus de poissons dans les assiettes (ok, vision un peu exagérée, mais tout de même la situation est assez préoccupante).

Pour comprendre un peu la situation, petit historique sur la morue de Terre-Neuve (pour ceux qui n'en n'ont jamais entendu parler, ben...googler). C'est le plus parfait exemple de la surexploitation d'un stock. Il fait figure de référence mondiale, y compris et surtout dans le monde scientifique. Dans les années 60-70s, en moyenne 500 000 tonnes de morues étaient pêchées chaque année sur les Grands bancs de Terre-Neuve, dont environ 2/3 par des bateaux européens, essentiellement portugais et russes. Après la mise en place de la ZEE en 1982, les Canadiens, alors souverains de leurs mers, pêchaient environ 200 000 tonnes par année. Puis dans les années fin 80 début 90 les stocks se sont effondrés. Maintenant, les captures avoisinent les 3 000 - 4 000 tonnes. Imaginer les conséquences économiques d'un tel changement, on parle d'un manque à gagner annuel de centaines de millions de dollars...Et pour info, ce que l'on nomme les grands bancs de Terre-Neuve ne sont en fait qu'un des 5 stocks de l'atlantique canadien, qui ont tous subit connus un sort similaire.

Vous comprenez maintenant, du moins je l'espère, la nécessité de protéger le restant des stocks avant l'extinction de l'espèce et même de revenir à des états un peu plus réalistes si l'on veut avoir une activité économique viable.

Et j'espère que vous comprenez aussi que pour pouvoir protéger il faut d'abord comprendre comment cela marche (j'entends ici tout l'aspect biologique). C'est là qu'intervient le rôle des scientifiques.
Chaque année, les scientifiques du Ministère des Pêches et des Océans du Canada (dont un de mes superviseurs), à l'aide d'une série d'indices essayent d'estimer la taille du stock (nb individu, biomasse, pourcentage d'individu mature etc...) et de déterminer les niveaux d'exploitation adéquats. Ils font alors leurs calculs et se réunissent pour analyser les résultats et écrire un rapport qu'ils envoient au ministre, c'est ce que l'on appelle l'évaluation d'un stock. Ensuite le ministre, lors d'une réunion avec des gestionnaires et des représentants de l'industrie décide de la quantité de poissons qui seront pêchés l'année suivante, les fameux quotas où TAC (Total Autorisé de Capture).

Information: En France la situation diffère par le fait que tout se passe au niveau européen. En effet, chaque "mer" (golfe de Gascogne, mer du nord, la manche...) est exploitée par plusieurs pays à la fois.

Parlons maintenant de moi...et oui je suis égocentrique, mais c'est tout l'intérêt d'un blog, non???

Mon travail de stage de master a été de développer un nouvel indice pour évaluer l'état du stock. J'ai donc présenté mon travail l'année dernière au Québec devant les scientifiques lors de l'évaluation du stock du nGSL (1 des 5 stocks de morue dans l'atlantique canadien). Et cette année durant le mois de février, j'ai mis à jour mes calculs avec les nouvelles données de pêche, et à nouveau présenter, sauf que cette fois-ci ils ont évalué les 5 stocks lors d'une même réunion de 2 semaines...Je me suis donc retrouvé à présenter devant une cinquantaine de têtes, dont quelques sacrées sacrées pointures canadiennes et internationales dans ce domaine. Heureusement pour moi, il y avait un service de traduction, j'ai donc présenté en français. S'il avait fallu, en plus de la pression (que j'ai rarement senti aussi forte), que je parle en anglais...je ne vous raconte pas le massacre.

Bon je crois que c'est un peu près tout.

Rendez-vous à février prochain pour une nouvelle évaluation. Je pense que j'y aurais encore le droit. Ce serais cool que ça soit au Québec, histoire de faire la chouille avec quelques potes de Rimouski au frai de la reine d'Angleterre...

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